dimanche 16 septembre 2018

I am not lonely... when surrounded by beauty.





Les Innocentes

La sourde douleur des femmes, ou La négation des évènements de guerre liés au sort des femmes. 

Fausta,  la teta asustada, the  Milk of sorrow, Claudia Llosa

Il est étonnant de constater que la question du viol n'est jamais abordée ni même soulevée dans la narration des évènements historiques tragiques qui ont secoué l'Europe ce dernier siècle. Si on évoque de nos jours par moments les viols de masse perpétrés par des armées ou groupes armés en Afrique, comme s'ils étaient l'apanage de ce seul continent, et comme si nous autres faisions les choses plus proprement (ce qui, au passage, en dit toujours aussi long sur notre vision de nous-mêmes et celle que nous entretenons des autres), on ne parle néanmoins jamais du passé pour le moins douteux de nos chers pays européens et au-delà au regard de ce phénomène mortifère... Alors que le viol a été plus que largement perpétré dans nos contrées, et ce, en toute impunité morale, tout comme au regard de la loi et de la mémoire. Certains films de femmes rendent à présent un semblant de visibilité à ces évènements tragiques qui, entérinés, dissous et digérés jusqu'à écoeurement dans le corps des femmes, continuent de hanter le coeur leurs enfants. Il serait temps de s'armer de courage pour regarder le passé en face, afin de se libérer du joug d'un fléau inaudible, et de dire adieu aux fantômes de l'ignominie.



Les innocentes, Anne Fontaine

Charulata

Connaissez-vous Charulata, le chef-oeuvre de Satyajit Ray, ce cinéaste Bengali de génie? D'après le nom moins célèbre et émouvant roman éponyme de Rabrindanath Tagore, ce film poignant trace le portrait sensible et délicat de Charulata, une jeune femme mariée qui s'éprend du jeune cousin de son époux. Une femme enfermée victime de sa condition, dont l'ennui et le vide étouffent en elle l'énergie vitale qui bouillonne. Une femme qui, condamnée à l'oisiveté, se réfugie dans la lecture et l'écriture pour échapper à son nid clôt et douillet. Munie de jumelles qu'elle ne quitte que rarement, elle observe à distance le monde libre de la rue, à travers des persiennes qui sont comme les découpages d'un réel auquel elle n'a accès que de loin. Tournant en rond dans son palais, comme l'oiseau en cage qu'elle contemple à travers les barreaux de sa fenêtre comme un miroir d'elle-même, elle glisse irrémédiablement vers une passion qui l'éveille enfin à la vie. Laissée à elle-même au jardin, patio scellé et merveilleux, Charu se laisse aller à une rêverie qui n'a de limites que la réalité. Sur sa balançoire, symbole de l'oscillation permanente entre rêve et réalité, elle berce en cadence ses songes et sa langueur. La nacelle en effet, comme un appel d'air vers des cieux qui renferment les secret de la liberté et de l'amour, l'élève au niveau des possibles. Puis, dans un plongeon vers le monde des hommes et des interdits, l'entraîne dans sa chute. Dans cette valse infinie entre vide et vie, Charu sort d'une léthargie existentielle où confiné, son être transpire... et expire. Charulata, c'est l'histoire tragique d'une femme qui découvre l'amour et la vie en même temps qu'elle les perd et doit y renoncer pour toujours.