lundi 27 février 2017

Aujourd'hui, mon premier mail féministe à la marque de vêtements Sacrebleu! Ci-dessous les images qui m'ont choquée et ma lettre:



"Bonjour,

J'aime beaucoup l'esprit de votre marque et vos produits, l'univers est fort et vraiment chouette. En revanche, une déception: le sweat "Une femme dans chaque port". Je trouve cela sexiste et ça me heurte en tant que femme et/ou être humain. C'est pourquoi j'ai une suggestion pour vous (et pour moi ;) !): pourquoi pas un sweat pour femme "Un homme dans chaque port"? Ca serait bien plus décalé et drôle, une façon de tourner en dérision les schémas blessants qui perdurent (et s'expriment tristement dans l'actualité politique, notamment ces derniers temps avec Trump, Fillon et j'en passe), et d'amener par l'humour une réflexion actuelle et moderne. Si vous le faisiez, je serais vraiment trop contente de l'acheter, et je vous pardonnerais tout de suite :).

Autre point, sur votre lookbook (par ailleurs sublime), une photo montre un homme tenant une carte tandis qu'une femme tient un panier avec sans doute le picnic de Monsieur. Un peu obsolète non? Dommage, ça manque de modernité alors que vos produits le sont!  Il y a eu beaucoup de femmes exploratrices, rendons-leur justice :)! Je me permets de partager avec vous cette exposition qui aura lieu au musée Guimet à Paris et qui retrace la vie passionnante de l'une d'entre elles, il s'agit d'Alexandra David-Néel:

http://www.guimet.fr/fr/expositions/expositions-a-venir/alexandra-david-neel-une-aventuriere-au-musee

Je serais ravie d'échanger avec vous sur le sujet.
Bien à vous,

Gabrielle"

vendredi 24 février 2017

Forêts



Le vieux qui lisait des romans d'amour raconte la quête inexorable et navrée d'un homme à la recherche d'une bête à abattre pour les ravages qu'elle commet parmi les hommes. Sa piste l'entraîne au coeur de l'Amazonie, ou lianes, serpents, et marécages entravent son expédition, tels les mains mystiques de la Nature protégeant les âmes blessées qui, lui ayant demandé asile, y cherchent refuge... Un homme en peine, qui l'âme meurtrie, et avec l'acuité et la résignation de longues années de solitude à appréhender l'implacable pugnacité des hommes, mène à bien son expédition pour rétablir un équilibre rompu par la main de l'homme.... par la faute impardonnable d'un chasseur blanc qui fait irruption en territoires inconnus, violant un sol pur, et massacrant sauvagement les petits d'un ocelot parti en quête de nourriture pour leur ravir leur peau. Fou d'une douleur sauvage et inexprimable, l'animal blessé décide de venger les siens et se mue en démon d'une violence extrème et incontrôlable. Sa souffrance inouie l'entraîne toujours plus près des hommes, n'épargnant ni innocents, ni ignorants, en quête de sang et de chair... Le vieil homme n'a d'autre choix que de mettre fin au massacre, à la peur panique des hommes et à la souffrance de l'animal. Une quête mystique qui le conduit aux confins de son coeur, sur des sentiers toujours plus ténus ou son âme et son coeur trébuchent, au détour de souvenirs qui toujours, viennent ponctuer le chemin plein d'embûches qu'il se trace avec courage et détermination au sein d'une jungle hostile et réticente à livrer ses secrets, mais qui sait se muer en refuge quand on l'appréhende avec les yeux de l'amour et de la compréhension.

Le lion de Joseph Kessell se solde par la lutte à mort d'un homme et d'un lion magnifique, qu'une jeune fille met au défi l'un et l'autre... La savane, écueil aride, accueille ce duel qui oppose la force et l'amour sauvages à l'orgueil, la fidélité absolue d'un animal et le courage fier et indomptable de l'homme.

Un Roi sans divertissement met en scène la tragique et monumentale chasse organisée par un homme qui, se hissant à la tête d'un village entier, initie une battue spectaculaire prenant les dimensions du rituel. Une quête mystique qui va révéler les recoins les plus sombres de son initiateur. Dans les tréfonds d'une forêt sombre et enneigée, la traque au loup immense et superbe qui s'y terre prend les allures d'une mise à mort solennelle et terrible, celle que l'on réserve aux ennemis dignes de respect. Cette chasse obstinée entraîne irrémédiablement son auteur vers une vérité à peine supportable, une vérité que seuls lui et le loup semblent connaître, liés par une connivence sourde, murés dans le plus lourd silence, le silence désespéré et complice des condamnés. Par cet assassinat, n'est-ce pas sa propre mise à mort que l'homme met à l'oeuvre? Le loup est-il le miroir de l'homme condamné par sa propre vérité?

Ces livres qui m'ont passionnée mettent tous trois en scène des hommes face à la quête inexorable de la bête, au coeur et aux prises avec la nature la plus sauvage et la plus magnifique, la plus hostile et la plus généreuse, qui se mue tour à tour en déesse maternelle et accueillante, ou en démon traître et sanglant. Des forêts qui abritent les âmes blessées, les fugitifs, les condamnés et les sauveurs. Une poursuite qui fait écho, peut-être, à leurs luttes intérieures. Ces forêts et ces jungles infinies ne sont-elles pas les méandres torturées d'âmes seules et rendues à elles-mêmes? Ces bêtes fortes et traquées ne sont-elles pas le reflet de ces hommes seuls face à la Nature et à la grandeur mystique du monde, à l'étroitesse de leurs corps et la finitude de leurs vies?