samedi 7 janvier 2017

Pensées, Marc Aurèle

Livre IV

III. - (...que les choses n'atteignent point l'âme, mais qu'elles restent confinées au-dehors, et que les troubles ne naissent que de la seule opinion qu'elle s'en fait. L'autre, que toutes les choses que tu vois seront, dans la mesure ou elles ne le le sont point encore, transformées et ne seront plus. Et de combien de choses les transformations t'ont déjà eu pour témoin! Songes-y constamment. "Le monde est changement; la vie, remplacement.

XVIII. - Que de loisirs il gagne, celui qui ne regarde pas à ce qu'a dit le voisin, à ce qu'il fait, à ce qu'il a pensé; mais à ce qu'il fait lui-même, afin que son acte soit juste, saint et absolument bon. Ne jette point les yeux sur les âmes noires; mais cours droit à la ligne du but, sans te disséminer.

XIX. - Celui qu'exalte la renommée posthume ne se représente pas que chacun de ceux qui se souviendront de lui de lui mourra bientôt lui-même, et qu'ensuite, à son tour, celui qui lui succèdera mourra aussi, jusqu'à ce que cette renommée soit éteinte, passant de l'un à l'autre comme des flambeaux qui s'allument et s'éteignent. Suppose même que soient immortels ceux qui se souviendront de toi, et qu'immortelle soit aussi ta mémoire. Que t'en revient-il? Et je ne dis pas seulement qu'il n'en revient rien à celui qui est mort; mais, à celui qui vit, à quoi sert la louange? A moins que par hasard il n'en fasse le calcul. En attendant tu négliges inopportunément le don que t'a fait la nature, en tenant compte de tout autre chose que la raison.

XXIII. - Ne te laisse point prendre au tourbillon; mais, dans tout élan, propose-toi le juste; et, dans toute représentation, sauvegarde la faculté de comprendre.

XXIV. - "Embrasse peu d'affaires, a-t-on dit, si tu veux vivre en joie." Ne serait-il pas mieux de dire: "Fais ce qui est nécessaire, et tout ce que prescrit, et comme elle le prescrit, la raison d'un être sociable par nature?" De cette manière tu obtiendras non seulement la joie qui provient de bien agir, mais encore, celle qui procède d'embrasser peu d'affaires. En effet, la plupart de no paroles et de nos actions n'étant pas nécessaires, les supprimer est s'assurer plus de loisir et de tranquilité. Il résulte de là qu'il faut, sur chaque chose, se rappeler à soi-même: "Ne serait-ce point là une de ces choses qui ne sont pas nécessaires?" Et non seulement il faut supprimer les actions qui ne sont pas nécessaires, mais aussi les idées. De cette façon, en effet, les actes qu'elles pourraient entraîner ne s'ensuivront pas.

XXVI. - Tu as vu cela? Vois ceci encore. Ne te trouble pas; fais-toi une âme simple. Quelqu'un pèche-t-il? Il pèche contre lui-même. Quelque chose t'est-il arrivé? C'est bien, tout ce qui arrive t'était destiné, dès l'origine, par l'ordre de l'ensemble, et y était tissé. En somme, la vie est courte. Il faut tirer profit du présent judicieuseent et selon la justice. Sois sobre à te donner relâche.

XXXV. - Tout est éphémère, et le fait de se souvenir, et l'objet dont on se souvient.

XLVIII. - (...) En conséquence, passer cet infime moment de la durée conformément à la nature, finir avec sérénité, comme une olive qui, parvenue à maturité, tomberait en bénissant la terre qui l'a portée, et en rendant grâce à l'arbre qui l'a produite.

XLIX. - Ressembler au promontoire contre lequel incessamment se brisent les flots. Lui, reste debout, et autour de lui, viennent s'assouplir les gonflements de l'onde.

Livre V

I. - (...) C'est qu'en effet, tu ne t'aimes point toi-même, puisque tu aimerais alors, et ta nature et sa volonté.

II. - Qu'il est aisé de repousser et d'abandonner toute pensée déplaisante ou impropre, et d'être aussitôt dans un calme parfait!"

XIX. - Les choses elles-mêmes ne touchent notre âme en aucune manière; elles n'ont pas accès dans l'âme; elles ne peuvent ni modifier notre âme, ni la mettre en mouvement? Elle seule se modifie et se met en mouvement, et les accidents sont pour elle ce que les font les jugements qu'elle estime dignes d'elle-même.

XXV. - Un autre commet une faute contre toi? C'est son affaire. Il a sa disposition propre. Pour moi, j'ai en ce moment ce que la commune nature veut que j'aie à ce moment, et je fais ce que ma nature exige qu'à ce moment je fasse.

Livre VI

I. - Regarde au fond de choses. Que la qualité particulière et la valeur d'aucune ne passent pas inaperçues pour toi.

VI. - Le meilleur moyen de t'en défendre est de ne pas leur ressembler.

XIII. - (...) toutes les fois que les choses te semblent trop dignes de confiance, mets-les à nu, rends-toi compte de leur peu de valeur  et dépouille-les de cette fiction qui les rend vénérables. C'est un redoutable sophisme que cette fumée d'estime; et lorsque tu crois t'occuper le mieux à de sérieuses choses, c'est alors qu'elle vient t'ensorceler le mieux.

XLI. - (...) si nous jugeons seules comme des biens ou des maux les choses qui dépendent de nous, il ne nous reste plus de raison d'accuser Dieu et de nous tenir, en face de l'homme, en position de guerre.

LIII. - Habitue-toi à être attentif à ce qu'un autre dit, et autant que possible, entre dans l'âme de celui qui parle.

II. - Les principes vivent. Comment d'ailleurs pourraient-ils mourir, à moins que ne s'éteignent les représentations correspondantes? Or, ces représentations, il est en ton pouvoir de les ranimer sans cess. Je puis, sur chaque chose, me faire l'idée qu'il faut. Et si je le puis, pourquoi me troubler? Ce qui est en dehors de mon intelligence n'est absolument rien pour mon intelligence. Comprends-le, et te voilà sur pied.
Il t'est permis de revivre. Regarde à nouveau les choses que tu as vues, car c'est là revivre.

VII. - N'aie point honte de te faire aider. Tu as, en effet, à accomplir la tâche qui t'incombe, tel un soldat dans l'assaut d'un rempart. Que ferais-tu donc si, étant boiteux, tu ne pouvais seul escalader le créneau, mais qu'avec l'aide d'un autre, cela te fût possible?

XIV. - Advienne ce que voudra du dehors aux parties de mon être qui peuvent être affectées par cet accident! Celles qui seront affectées se plaindront, si elles veulent. Pour moi, si je ne pense pas que cet accident soit un mal, je n'en ai encore subi aucun dommage. Or, il dépend de moi de ne pas le penser.

XXII. - Le propre de l'homme est d'aimer même ceux qui l'offensent. Le moyen d'y parvenir est de te représenter qu'ils sont tes parents; qu'ils pèchent par ignorance et involontairement; que, sou peu, les uns et les autres vous serez morts; et, avant tout, qu'on ne t'a causé aucun dommage, car on n'a pas rendu ton principe directeur pire qu'il n'était avant.

XXXVIII. - Il ne faut pas s'irriter contre les choses, car elles ne s'en soucient pas.

XLIII. - Ne pas s'associer à leurs lamentations, ni à leurs agitations.

LV. - Ne porte pas tes regards sur le principe directeur des autres, mais regarde droit ou te conduit la nature: la nature universelle, par les accidents qui t'arrivent, et ta propre nature, par les devoirs qu'elle t'impose. Chaque être doit accomplir, en effet, ce qui est en accord avec se constitution.

LIX. - Creuse au-dedans de toi. Au-dedans de toi est la source du bien, et une source qui peut toujours jaillir, si tu creuses toujours.

LXXI. - Il est ridicule de ne point échapper à sa propre malignité, ce qui est possible, et de vouloir échapepr à celle des autres, ce qui est impossible.

Livre VIII

I. - (...) il n'y a de bien, pour l'homme, que ce qui le rend juste tempérant, courageux, libre, et qu'il n'y a de mal, que ce qui produit en lui les effets opposés aux susdites vertus.

XXXVIII. - "Si tu peux voir clair, vois et juge, dit-il, avec le plus de sagesse possible"

XL. - Si tu supprimes ton opinion sur ce qui semble t'affliger, tu te places toi-même dans la position la plus inébranlable.

XLII. Je ne mérite pas de m'affliger moi-même, car je n'ai jamais volontairement affligé autrui.

XLIII. - Le plaisir de l'un n'est pas le plaisir de l'autre. Le mien, c'est de conserver sain mon principe directeur, de le préserver de toute aversion pour aucun homme et pour aucun des évènements qui arrivent aux hommes, mais de l'amener à regarder toutes choses avec des yeux bienveillants, à les accepter et à tirer parti de chacune selon sa valeur.

XLIV. - Veille à favorablement accueillir le temps présent. Ceux qui préfèrent poursuivre une gloire posthume ne prennent pas garde que les hommes d'alors seront tels que sont ceux dont ils sont aujourd'hui excédés, et qu'il seront aussi mortels. Que t'importe, en somme, que ceux-là te célèbrent par les cris de ceux-ci, ou qu'ils aient de toi une semblable opinion!

XLVIII. - (...)Qui ne l'a point découverte est un ignorant, et qui l'a découverte, sans s'y réfugier, est un malheureux.

LXI. - Pénètre dan sl'âme qui dirige chacun, et laisse tout autre pénétrer aussi dans ton âme à toi.

Livre IX

XX. - La faute d'un autre, il faut la laisser ou elle est.

XX - Tu as enduré mille maux, parce que tu ne t'es point contenté de ce que ta faculté directrice se conformât au rôle pour lequel elle a été constituée.


XL - Ou les Dieux n'ont aucun pouvoir, ou ils ont un pouvoir. S'ils n'ont aucun pouvoir, pourquoi pries-tu? Mais s'ils ont un pouvoir, pourquoi ne les pries-tu pas de te donner de ne rien voir à craindre des choses de ce monde, de n'en désirer aucune et de ne t'affliger d'aucune, au lieu de leur demander que telle chose t'advienne ou ne t'advienne pas?


XLII - Lorsque tu es offensé par l'impudence d'un homme, demande-toi aussitôt : "Se peut-il donc qu'il n'y ait pas d'impudents dans ce monde? " Cela ne se peut pas. Ne réclame donc pas l'impossible, puisque cet homme est l'un de ces impudents qui nécessairement se trouvent dans le monde. Sois prêt à te poser la même question devant un scélérat, un fourbe ou tout autre coupable. En te rappelant en effet qu'il est impossible qu'il n'existe pas des gens de cette sorte, tu deviendras plus indulgent pour chacun d'eux.
Il est utile encore de songer aussitôt à la vertu que la nature a donnée à l'homme pour remédier au vice que tu découvres. Comme antidote, en effet, contre l'ingratitude, elle a donné la bonté, et contre un autre défaut une autre perfection. Et, somme toute, il t'est toujours loisible de ramener celui qui s'égare, car tout homme qui commet une faute s'écarte du but et s'égare.
Et puis, en quoi t'a-il lésé? Car tu ne trouveras pas un seul de ces hommes contre lequel tu t'exacerbes, qui ait pu te causer un dommage tel que ton âme en eût été rendue pire, et pour toi le mal et le dommage n'ont leur absolue consistance que là. Est-ce donc un malheur ou une étrangeté qu'un ignorant fasse acte d'ignorant? Examine si tu ne dois pas t'accuser toi-même de n'avoir point prévu que cet homme commettrait cette faute. Ta raison, en effet, te fournissait des motifs de penser qu'il commettrait cette faute, et cependant, pour l'avoir oublié, tu t'étonnes de ce qu'il l'ait commise!






Plaie infinie...

Intervention de Raphaël Enthoven :
"Le viol est une plaie infinie qui pour cette raison, a besoin 'un temps illimite" :

http://www.europe1.fr/emissions/la-morale-de-linfo/le-viol-est-une-plaie-infinie-qui-pour-cette-raison-a-besoin-dun-temps-illimite-2913938

Marc Aurèle Pensées, livre II X:

"C'est en philosophe que Théophraste affirme, dans sa comparaison des fautes, comme le ferait un homme qui les comparerait en se référant au sens commun, que les fautes commises par concupiscence sont plus graves que celles commises par colère. L'homme en colère, en effet, parait s'écarter de la raison avec quelques douleur et avec un certain resserrement sur soi-même. Mais celui qui pêche par concupiscence, vaincu par la volupté, se montre en quelque sorte plus relâché et plus charmé dans ses fautes. A bon droit donc et en vrai philosophe, Théophraste a dit que celui qui faute avec plaisir mérite un plus grand blâme que celui qui pêche avec douleur. En somme, l'un ressemble plutôt à un homme offensé et forcé, par douleur, à se mettre en colère; l'autre s'est jeté de lui-même dans l'injustice, se portant à faire ce à quoi l'incite la concupiscence."

Une animation d'une  très justesse sur le viol et le non consentement sexuel:

http://hellogiggles.com/tea-sexual-consent-police-video/?utm_campaign=socialflowfacebook&utm_source=Social&utm_medium=Facebook

Quotidien de femme :

Cet article décrit avec minutie la journée d'une femme, et montre avec une acuité bienvenue à quel point chaque minute de la vie d'une femme est déterminée et régie par la peur de l'agression sexuelle Y COMPRIS DANS NOS SOCIÉTÉS "MODERNES ".
A méditer par les hommes et les femmes, à partager pour plus de compréhension et balayer l'ignorance qui banalise les violences quotidiennes.

http://quebec.huffingtonpost.ca/gretchen-kelly/chose-que-font-toutes-les-femmes-que-vous-ignorez_b_12658514.html?ncid=engmodushpmg00000003