mercredi 19 juillet 2017

Le Caire confidentiel : "On ne gagnera jamais contre le Mal. Il faut le faire - pas parce que cette lutte est efficace, mais parce qu'elle est belle."






Dans la boursouflure de la nuit, la noirceur de l'âme humaine suit de son ombre les sombres destins de femmes livrées à la cruauté d'un monde d'hommes corrompus et sans merci. Ces hommes, loups avides, errent, se terrent, dans un monde déchiré par l'argent et la violence, ou honneur et fierté sont livrés en pâture aux pires vices du genre humain. Dans la moiteur et la crasse de la ville, Tarik Saleh dessine les contours glacés d'un monde dominé par la cupidité, la peur et la perfidie. 

Des chants sublimes, bribes de poésie et de liberté, voix humaines en terre de feu, survolent parfois le débit incessant de la laideur et de l'oppression, scandant par leur fragilité, leur légèreté sourde, les prémices d'une révolution historique tournée vers la liberté et le respect des êtres et des mémoires. La grâce, la pureté de ces voix qui surgissent, ombres furtives et lumineuses, heurtent de plein fouet le commandant Nourredine, protagoniste enlisé dans une vie faite d'automatismes et de désillusions, de petits calculs et de viles ambitions. Celui-ci entrevoit à nouveau le faisceau de la vérité, et s'éveille à sa façon à la justice, à l'équité et au Bien. La compassion et la droiture se fraient donc malgré tout un douloureux chemin sans issue et sans retour possible, dans le pas claudicant d'un héros à contre courant, et à travers une faune urbaine toujours plus menaçante. L'aube qui point porte en effet en elle son lot d'espoirs déçus et de vaines luttes, celles qui saisissent les hommes de foi et de paix dans un monde impitoyable qui n'a que faire de leurs infantiles babillages. Car ces chants de toujours, hymnes à l'amour immuables et éternels, témoins d'un raffinement à peine supportable dans un récit marqué par la lourdeur des faits et la dureté des maux, tournent court quand la trivialité de la vie reprend ses droits et jette à la figure de l'innocence le monstrueux embryon du Mal, défigurant ce qui un temps, avait repris forme humaine. 
Alors que faire? Doit-on abandonner tout combat au profit du salut terrestre et du "flouze"?

Et Tarik Saleh de conclure, dans une interview l'obs:
"On ne gagnera jamais contre le Mal. Il faut le faire - pas parce que cette lutte est efficace, mais parce qu'elle est belle."