mercredi 27 septembre 2017

Forêt

"Habiter joyeusement des clairières sauvages vaut mieux que dépérir en ville."



"Une fuite, la vie dans les bois? La fuite est le nom que les gens ensablés dans les fondrières de l'habitude donnent à l'élan vital."

"Moins nous nous attachons aux différences, et plus l'intuition se renforce ; nous n'entendons plus le bruissement de l'arbre mais la réponse de la forêt au vent".

"Quand je pense à ce qu'il me fallait déployer d'activité, de rencontres, de lectures et de visites pour venir à bout d'une journée parisienne. Et voilà que je reste gâteux devant l'oiseau. La vie de cabane est peut-être une régression. Mais s'il y avait progrès dans cette régression?"

"Il ne regagnera jamais la ville. sur l'Île, il jouit de deux ingrédients nécessaires à la vie sans entrave : la solitude et l'immensité."

"Le bonheur d'avoir dans son assiette le poisson qu'on empêché, dans sa tasse l'eau qu'on a tirée et dans son poêle le bois qu'on a fendu : l'ermite puise à la source. La chair, l'eau et le bois sont encore frémissants."


"En Russie, la forêt tend ses branches aux naufragés. Les croquants, les bandits, les coeurs purs, les résistants, ceux qui ne supportent d'obéir qu'aux lois non écrites, gagnent les taïgas. Un bois n'a jamais refusé l'asile. Les princes, eux, envoyaient leurs bûcherons pour abattre les bois. Pour administrer un pays, la règle est de le défricher. Dans un royaume en ordre, la forêt est le dernier bastion de liberté à tomber.
L'État voit tout; dans la forêt, on vit caché. L'État entend tout; la forêt est nef de silence. L'État contrôle tout; ici, seuls prévalent les codes immémoriaux. L'État veut des être soumis, des coeurs secs dans des corps présentables; les taïga  ensauvagent les hommes et délient les âmes. Les Russes savent que la taïga est là si les choses tournent mal. Cette idée est ancrée dans l'inconscient. Les villes sont des expériences provisoires que les forêts recouvriront un jour. Au nord, dans les immensités de Yakoutie, la digestion a commencé. Là-bas, la taïga reconquiert des cités minières abandonnées à la pérestrioka. Dans cent ans, il ne restera que des ruines enfouies sous des frondaisons. Une nation prospère sur une substitution de population: les hommes remplacent les hommes. Un jour, l'histoire se retourne, et les arbres repoussent.

"Ce saisissement de l'être devant l'apparition d'un rayon de lumière: gâtisme ou sagesse? Le bonheur devient cette chose simple: attendre quelque chose dont on sait qu'il va advenir. Le temps se fait le merveilleux ordonnateur de ces surgissements. En ville, principe contraire: on exige une efflorescence    permanente d'imprévisibles nouveautés. Il faut que les feux d'artifice de la nouveauté interrompent sans cesse le déroulé des heures et éclairent la nuit de leurs bouquets fugaces. En cabane, on vit au rythme du métronome plus qu'à la lueur des feux de Bengale."

"A 8 heure, tous les soirs, les rayons de soleil parviennent à se glisser dans une échancrure de crêtes au sud, et à tirer une longue coulée de lumière rousse sur le velours des épineux. Savoir si Dieu ou le hasard est responsable de cette beauté m'importe peu. Faut-il connaitre la cause pour jouir de l'effet?"

Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson.

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