Connaissez-vous Charulata, le chef-oeuvre de Satyajit Ray, ce cinéaste Bengali de génie? D'après le nom moins célèbre et émouvant roman éponyme de Rabrindanath Tagore, ce film poignant trace le portrait sensible et délicat de Charulata, une jeune femme mariée qui s'éprend du jeune cousin de son époux. Une femme enfermée victime de sa condition, dont l'ennui et le vide étouffent en elle l'énergie vitale qui bouillonne. Une femme qui, condamnée à l'oisiveté, se réfugie dans la lecture et l'écriture pour échapper à son nid clôt et douillet. Munie de jumelles qu'elle ne quitte que rarement, elle observe à distance le monde libre de la rue, à travers des persiennes qui sont comme les découpages d'un réel auquel elle n'a accès que de loin. Tournant en rond dans son palais, comme l'oiseau en cage qu'elle contemple à travers les barreaux de sa fenêtre comme un miroir d'elle-même, elle glisse irrémédiablement vers une passion qui l'éveille enfin à la vie. Laissée à elle-même au jardin, patio scellé et merveilleux, Charu se laisse aller à une rêverie qui n'a de limites que la réalité. Sur sa balançoire, symbole de l'oscillation permanente entre rêve et réalité, elle berce en cadence ses songes et sa langueur. La nacelle en effet, comme un appel d'air vers des cieux qui renferment les secret de la liberté et de l'amour, l'élève au niveau des possibles. Puis, dans un plongeon vers le monde des hommes et des interdits, l'entraîne dans sa chute. Dans cette valse infinie entre vide et vie, Charu sort d'une léthargie existentielle où confiné, son être transpire... et expire. Charulata, c'est l'histoire tragique d'une femme qui découvre l'amour et la vie en même temps qu'elle les perd et doit y renoncer pour toujours.
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